Le "bus des curiosités", des voyages étonnants au pays des surprises

Depuis un an, le « bus des curiosités » invite des citoyens de la campagne girondine à des spectacles dont le thème et le lieu sont tenus secrets, ouvre de nouveaux horizons culturels et tisse des liens entre les habitants. En prenant le « bus des curiosités », Philippe, 60 ans, habitant à Béguey, commune rurale de mille habitants dans le sud de la Gironde, s’attendait à passer un samedi soir dans l’un des cirques présents à Bordeaux. Trop prévisible pour cet intendant d’hôpital à la retraite. Mais Véronique Pommier a créé le « bus des curiosités » précisément pour surprendre. Depuis octobre 2011, cette fille de réalisateur propose 13 sorties culturelles par an aux 20 000 habitants de la communauté de communes de Podensac. Le tarif est attractif, de 6 € à 18 €, transport compris, grâce au soutien des collectivités locales. Mais ce qui attire surtout, c’est le côté « pochette-surprise ». La personne ne découvre le lieu et le thème du spectacle qu’à la sortie de l’autobus. Une idée originale qui a séduit 700 personnes, dès la première saison. Premier spectacle de danse contemporaine Ce soir, Véronique Pommier emmène ses invités au Cuvier, un ancien chai reconverti en Centre de développement chorégraphique d’Aquitaine, à Artigues-près-Bordeaux. Pour Philippe et sa femme, ancienne aide-soignante, c’est une double première. Premier voyage avec le bus sur les conseils d’un ami. Et première fois qu’ils assistent à un spectacle de danse contemporaine. Avec la trentaine de passagers, ils sont accueillis par le directeur du centre. Stephan Lauret les introduit dans le monde de Score, imaginé par le chorégraphe israélien Yuval Pick. « Ne cherchez pas la narration. Laissez-vous porter par l’ambiance de cette danse très percussive dans son rapport à la musique et au corps ». Sur scène, les corps des trois danseurs, deux jeunes hommes et une femme, s’entremêlent et se démêlent à un rythme effréné, entraînés par une bande-son réalisée à partir de bribes de vie en Israël, destinée à faire ressentir les émotions d’un peuple vivant sous haute tension. « De manière spontanée, je n’aurais pas fait la démarche d’aller à un spectacle si éloigné de mon univers culturel », avoue Philippe, qui apprécie plutôt la musique traditionnelle. Mais la performance des danseurs et la rencontre avec le chorégraphe, privilège réservé aux passagers du bus, lui ont donné envie, comme à beaucoup d’autres, de renouveler l’expérience. Lien social Le nombre d’habitués ne cesse d’augmenter. Parmi eux, Christiane, 79 ans, ex-vendeuse, habitante de Pujols-sur-Ciron, près de Sauternes. « Je n’avais pas assisté à un spectacle depuis près de vingt ans, confie-t-elle. Le bus a donné un second souffle à ma vie. » Après six sorties, dont des soirées avec un conteur et à l’opéra, elle raconte, tout enjouée, qu’elle a désormais plein d’amis avec qui sortir. Isolée il y a encore quelques mois, elle voulait quitter la commune et se rapprocher de ses enfants. Le bus tisse aussi des liens. « En milieu rural, beaucoup de personnes âgées n’ont pas de voiture », rappelle Philippe Meynard, président de la communauté de communes de Podensac. Sans compter que les campagnes changent de visage. « À cause des prix de l’immobilier à Bordeaux, de plus en plus de néoruraux viennent habiter chez nous mais veulent les mêmes services qu’en ville. » Citoyens, élus, programmateurs culturels, chacun y trouve son compte. Véronique Pommier envisage d’étendre le concept à d’autres départements français. « La Guadeloupe, la Charente, la Dordogne, les Landes, la Vallée de la Loire, mais aussi le Canada sont intéressés », révèle-t-elle, pleine d’ambitions. Rens. : www.busdescuriosites.com Nicolas César


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